Oui, je croyais que mes parents m’aimaient.
En fait, je pense qu’ils m’aiment,
mais ils m’aiment pour eux, pas pour moi. Ils m’ont fait, m’ont
élevé, ont été fiers de moi, parfois, et ils veulent me garder,
me garder pour eux. Car pour eux, si je partais, ce serait réduire à
néant une partie de ce qu’ils ont fait, une part de leur vie.
Mais ce que je voudrais, c’est
qu’ils se rendent compte que je suis déjà parti.
Certes, je suis là encore, du moins
mon corps, sur ce lit d’hôpital. Une partie de mon corps, plutôt
de ses fonctionnalités. Je ne bande même plus, papa, tu te rends
compte !!
Je n’éprouve plus rien : plus
de plaisir sensoriel, plus de joie, plus de peine non plus, remarque.
Je ne vois plus rien, si ce n’est
des variations de lumière.
Je n’entends que des bruits de
machine et un bruit de fond qui varie mais dont je ne saisis rien.
Je n’ai pas mal, non, mais je ne me
sens pas bien non plus.
En fait, ma vie ne me sert plus à
rien et, comme je suis un peu égoïste, je voudrais qu’elle
s’arrête là. Qu’on cesse de m’examiner, de toucher mon corps
qui ne ressent plus rien, de me contraindre à rester respirant sans
aucun espoir de rétablissement.
Mais finalement, est-ce si égoïste
que ça ? Je ne suis plus rien même si je ne suis pas encore
parti, alors ne faut-il pas que je parte vraiment pour ne plus être
un poids, une souffrance, pour ceux qui m’ont aimé quand j’étais
totalement moi ? Mon départ définitif me permettrait de les
libérer, de les rendre à leur vie, bien réelle celle-ci, de leur
permettre de se reconstruire.
Oui, maman et papa, si vous m’aimez
vraiment, n’écoutez pas ceux qui vous parlent de choses qu’ils
ne connaissent pas, ceux qui ne pensent qu’à travers et pour eux,
mais laissez moi partir enfin…
Votre fils...
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