Tel est le titre d’un excellent
entretien accordé par le juriste Denys de Béchillon au journal Le
Point du 24 janvier dernier. En
voici quelques extraits :
« Chaque
fois que nous traversons un moment de crise, on nous explique que
nous n’en serions pas là si nos institutions étaient meilleures.
C’est une illusion. Prenez la montée générale des populismes,
elle est insensible à la diversité des formes d’organisation
politique...Je trouve trop confortable d’accuser les institutions.
Personne n’a la solution magique pour éradiquer le chômage, la
pauvreté, la dette, l’insécurité, le déficit éducatif ou les
effets toxiques de la mondialisation. La vérité est que nous sommes
assez impuissants, et que c’est insupportable. Les acteurs
politiques sont donc obligés de dire (et souvent de penser) le
contraire. Mais ils sont condamnés à enregistrer des frustrations
immenses. La tentation de faire croire qu’il existe des moyens
simples et gratuits de fabriquer un monde meilleur est gigantesque,
même pour ceux qui se refusent à raconter que tout ira mieux
lorsqu’on aura mis les étrangers à la porte, fait payer les
riches ou sorti la France de l’Union,,,C’est le drame du Meccano
institutionnel : ça ne coûte rien, tout le monde aime y jouer,
et ça crée de faux espoirs à trop bon compte. »
« Si le grand débat n’est
qu’un défouloir où tout un chacun vient dire n’importe
quoi, dans l’illusion entretenue que son sentiment deviendra la loi
commune, le pire est à craindre. Si, en revanche, on parvient à
faire un vrai débat -il
faut être deux pour débattre -, on peut en espérer de bons
résultats. Les décideurs ont besoin d’entendre des choses qu’ils
ne savent pas ou qu’ils veulent ignorer. Mais notre citoyen
« investi » doit aussi se voir mis en situation de mieux
comprendre en quoi l’action politique, nationale ou locale, est
parfois plus délicate que ce qu’il croit. »
« Personne
n’est sage par nature, et surtout pas la foule. Elle a contre elle
son hypersensibilité aux émotions, aux colères, aux enthousiasmes.
Cela fait d’elle le plus mauvais décideur politique qui soit.
D’autant qu’elle se vérifie très manipulable avec les moyens de
communication d’aujourd’hui. Le paradoxe est vertigineux.
L’opinion n’a jamais été plus instable, plus fragile et plus
susceptible de se voir « marionnettiser » par des forces
insidieuses, et c’est à ce moment que certains voudraient lui
confier notre destin, sans intermédiaire, en pleine
effervescence... »