ANNONCE

lundi 4 février 2019

« La foule est le plus mauvais décideur politique qui soit ».

Tel est le titre d’un excellent entretien accordé par le juriste Denys de Béchillon au journal Le Point du 24 janvier dernier. En voici quelques extraits :

« Chaque fois que nous traversons un moment de crise, on nous explique que nous n’en serions pas là si nos institutions étaient meilleures. C’est une illusion. Prenez la montée générale des populismes, elle est insensible à la diversité des formes d’organisation politique...Je trouve trop confortable d’accuser les institutions. Personne n’a la solution magique pour éradiquer le chômage, la pauvreté, la dette, l’insécurité, le déficit éducatif ou les effets toxiques de la mondialisation. La vérité est que nous sommes assez impuissants, et que c’est insupportable. Les acteurs politiques sont donc obligés de dire (et souvent de penser) le contraire. Mais ils sont condamnés à enregistrer des frustrations immenses. La tentation de faire croire qu’il existe des moyens simples et gratuits de fabriquer un monde meilleur est gigantesque, même pour ceux qui se refusent à raconter que tout ira mieux lorsqu’on aura mis les étrangers à la porte, fait payer les riches ou sorti la France de l’Union,,,C’est le drame du Meccano institutionnel : ça ne coûte rien, tout le monde aime y jouer, et ça crée de faux espoirs à trop bon compte. »

« Si le grand débat n’est qu’un défouloir où tout un chacun vient dire n’importe quoi, dans l’illusion entretenue que son sentiment deviendra la loi commune, le pire est à craindre. Si, en revanche, on parvient à faire un vrai débat -il faut être deux pour débattre -, on peut en espérer de bons résultats. Les décideurs ont besoin d’entendre des choses qu’ils ne savent pas ou qu’ils veulent ignorer. Mais notre citoyen « investi » doit aussi se voir mis en situation de mieux comprendre en quoi l’action politique, nationale ou locale, est parfois plus délicate que ce qu’il croit. »

« Personne n’est sage par nature, et surtout pas la foule. Elle a contre elle son hypersensibilité aux émotions, aux colères, aux enthousiasmes. Cela fait d’elle le plus mauvais décideur politique qui soit. D’autant qu’elle se vérifie très manipulable avec les moyens de communication d’aujourd’hui. Le paradoxe est vertigineux. L’opinion n’a jamais été plus instable, plus fragile et plus susceptible de se voir « marionnettiser » par des forces insidieuses, et c’est à ce moment que certains voudraient lui confier notre destin, sans intermédiaire, en pleine effervescence... »


vendredi 1 février 2019

L’imprécateur, de René Victor PILHES.

René Victor PILHES est un écrivain français né en 1934, qui a exercé de multiples responsabilités dans plusieurs entreprises avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Il a également milité en politique, à gauche, et fut très lié à Jean Pierre CHEVENEMENT.
« L’imprécateur », paru en 1974, pour lequel il obtint le prix Fémina nous plonge dans la filiale française d’une entreprise multinationale où il se passe de drôles de choses. Le fonctionnement de ces entreprises, l’état d’esprit de dirigeants pour lesquels rien n’a plus d’importance que le « cash-flow » y est très bien décrit. Le récit est particulier, parfois déroutant, mais prenant et surprenant.
L’auteur a su exploiter ses expériences dans les grandes entreprises pour nous en exposer les travers, même caricaturés (parfois). Les dernières lignes du roman, inattendues, font penser à un éternel recommencement.

Le lecteur qui a, dans sa carrière, travaillé dans une grande entreprise ou un grand groupe aura souvent l’occasion, pendant la lecture, de faire des analogies avec son propre vécu.
Cet ouvrage mérite d’être lu par les questions qu’il soulève.